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5 personnes sur 15 utilisent le même mot de passe partout

Dans la lancée du reportage montrant les techniques de hacking qui permettent de s’introduire sur le réseau d’un particulier, nous avons mis sur pieds avec Emmanuel Morimont et les équipes de la RTBF Namur pour « on n’est pas des pigeons » une petite expérience d’ingénierie sociale pour voir si des citoyens lambda utilisent le même mot de passe pour tous les sites et ensuite pour voir si on peux les amener à taper ce mot de passe sur n’importe quel ordinateur ou n’importe quel site. Tout cela bien sûr avec un investissement de temps et d’argent minimal.

Vu qu’il s’agissait aussi d’interviewer les personnes et d’avoir un consentement pour la diffusion, nous devions  intégrer une équipe de télévision dans le scénario d’une façon ou d’une autre. Nous avons donc imaginé de demander aux personnes de participer à un sondage très bref sur les attitudes de voyages suite aux événements terroristes. A l’issue de ce sondage, nous offrons à nos participants, pour les remercier, de participer à un concours pour gagner un séjour de 2 nuits dans un hôtel 5 étoiles en Allemagne. Pour ce faire, il leur faut juste s’inscrire sur la nouvelle plateforme de jeu de la RTBF. Et bingo, ils nous donnent leur adresse email, leur mot de passe et leur numéro de téléphone. Théoriquement, avec ces informations, nous pouvons nous connecter sur le compte de messagerie de ces personnes si le mot de passe utilisé est le même. Dans le cas de Gmail, nous pouvons même contourner le contrôle d’identification d’un nouveau navigateur en fournissant le numéro de téléphone. Et de là, vous pouvez imaginer la suite.

Le but était donc de créer rapidement une situation qui amène nos sujets à nous fournir ces informations. Les techniques misent en place furent volontairement classiques et simple:

  • Faire appel à bonté naturelle des personnes,
  • Supprimer le stress lié au temps,
  • La technique du pieds dans la porte,
  • Créer un climat de confiance,
  • La réciprocité,
  • Evocation de la liberté,
  • Un peu de flatterie,
  • et de l’amorçage.

Plus concrètement, nous nous sommes placés dans un centre commercial un mercredi après-midi (les gens ont normalement le temps de flâner). Nous avons placé un ordinateur sur un mange-debout et nous allions vers les chalands en leur demandant « Puis-je vous demander 30 secondes de votre temps pour répondre à un sondage de la RTBF sur les voyages ». 30 secondes et 3 questions, ce n’est rien en termes de temps. La RTBF, ça fait sérieux et nous avions une équipe de tournage derrière nous, encore mieux. Les voyages, tout le monde à quelque chose à dire sur les voyages. « Puis-je vous demander » fait appel à leur envie d’aider l’autre.

Les trois questions sont encodées sur l’ordinateur pour l’intégrer dans le scénario. Le site, créé en une demi-heure, reprend les couleurs et le logo de la RTBF. En sus, pour faire appel à leur gentillesse et augmenter la confiance, nous avons repris une publicité pour une action caritative de la RTBF sur les différentes pages). Les questions évoquent les voyages et l’insécurité liée aux actes terroristes. La majorité des personnes répondent d’ailleurs que les événement n’ont pas changé leurs destination ni leur moyen de transport. Est-ce que cela à eu un effet? C’est possible.

Une fois qu’ils ont répondu, la page proposant de participer au concours, avec quelques photographies de l’hôtel apparaît. Nous les remercions de nous avoir gentiment aider en participant au sondage et nous leur proposons, s’ils le désirent, de participer au concours (Réciprocité – Liberté – flatterie).

Nous expliquons que pour ne pas perdre de temps, ils suffit de s’inscrire en 30 secondes (encore le temps) sur le nouveau site concours de la RTBF. Nous leur demandons sur la page d’inscription leur numéro de téléphone pour être notifié de leur gain éventuel (amorçage positif) et pour réinitialiser leur mot de passe si nécessaire (sentiment de sécurité), ce qui justifie la demande, peu justifiable en soi autrement, du numéro de téléphone.

Sur 2h30 de tournage, nous avons convaincu 15 personnes de nous aider (sur une trentaine de demandes) et de participer au concours. Sur les 15, 5 ont reconnues utiliser le même mot de passe que celui de leur boite de messagerie. 33% sur cet échantillon non-représentatif mais malgré tout, 5 mots de passe en 3H30 de travail au total avec peu de moyens. Bien sûr on ne peut extrapoler ces chiffres a une population entière ou à une entreprise mais on peut raisonnablement penser que sur une entreprise de 1000 personnes il ne serait pas trop compliqué d’obtenir avec un subterfuge un rien plus évolué le mot de passe de quelques employés.

En conclusion, il reste évident que l’ingénierie sociale à un très bon rendement pour les personnes qui visent vos informations: le coût de mise en oeuvre est relativement faible et le retour plutôt important. Notre seule barrière de défense reste la sensibilisation et surtout l’éducation des employés à ces problématiques.

Et puis n’oubliez pas, utilisez quelques mots de passe, plutôt longs de préférences, que vous pouvez utiliser en fonction du niveau de confiance que vous accordez aux sites sur lesquels vous les utilisez (Banque, email, professionnel, site de vente, média sociaux, etc.) ou utilisez des logiciels de gestion de mot de passe.

Une explication de techniques de hacking en image

Un très estimé collègue, Xavier Mertens (qui tient l’excellent blog /dev/random), a aidé les journalistes de l’émission de la RTBF « On n’est pas des pigeons » à réaliser une petite expérience de piratage informatique d’une famille belge. Le reportage est un résumé des heures passé dans la camionnette, pas très chaude, de la RTBF et de tout ce qui a été entrepris pour arriver à pirater le réseau de la famille. C’est assez éloquent et assez juste. Un excellent travail de journalisme d’Emmanuel Morimont et un tout aussi excellent boulot de Xavier de réaliser cet exploit en quelques heures (même si il a eu un coup de main de la « victime » afin de ne pas devoir attendre des jours avant que quelqu’un de la famille ne morde à l’un des hameçons). En sus, après la séquence tournée avec Xavier, quelques explications du commissaire Olivier Bogaert de la Computer Crime Unit de la police fédérale sur d’autres manière de se faire avoir par la technique utilisée par Xavier.

Voici le lien vers la vidéo: http://www.rtbf.be/video/detail_piratage-via-wifi?id=2057967

et la page de la séquence sur le site de l’émission: ICI

La séduction comme outil de hacking

Quel est le point commun entre James Bond et le premier hacker venu?

On peut en trouver quelques-uns mais le plus évident, c’est leur objectif commun: collecter de l’information! Car, bien qu’on semble parfois l’oublier, l’objectif premier d’un espion n’est pas de séduire toute la gente féminine et de tuer tous les mâles alpha armés qu’il rencontre mais bien de faire du renseignement. Et si les espions utilisent de plus en plus les services des hackers pour arriver à leurs fins, les hackers utilisent de plus en plus les techniques les plus anciennes des espions: la manipulation, l’ingénierie sociale, le chantage.

Kevin Mitnick, un ancien Hacker « repenti » après avoir fait quelques années de prison pour délit informatique, a d’ailleurs consacré quelques livres à la plus grande faiblesse des systèmes informatiques: l’humain. Il en a d’ailleurs fait son fond de commerce.

Ces techniques utilisées par les espions tout comme les terroristes (Le Manuel d’AL Quaeda trouvé à Manchester, dont vous pouvez trouver une traduction sur le site du US Department of Justice, mentionne aussi des techniques d’espionnage utilisant les êtres humains (HUMINT – Human Intelligence).

En soit, rien de nouveau sur le soleil. Bien que ces techniques soient utilisés depuis la nuit des temps, la plupart des responsables sécurité sous-évaluent constamment le risque. On peut imaginer que cela est dû au profil parfois plus technologiques de certains RSSI (ou CISO) ou à l’impression qu’ils ne peuvent pas y faire grand chose, à part coller des posters, faire des petites séances d’information et compartimenter l’information. Trop souvent on confond sécurité informatique et sécurité de l’information. N’oublions pas que l’information est ce que l’on cherche à protéger, ou du moins, celle qui a de la valeur. Les systèmes informatiques, bien que de plus en plus présents dans nos vies, n’ont pas l’apanage de l’information. Que ce soit sur papier, dans nos conversations ou dans nos têtes, l’information est insaisissable et donc, de facto, difficile à contenir et à protéger. De plus, l’information est généralement destinée, in fine, à être utilisée par un ou plusieurs êtres humains. L’élément humain est donc indissociable de la protection de l’information.

Mais je m’éloigne de mon sujet: La séduction comme outil de hacking. D’abord, pourquoi est-ce que je viens avec ce sujet particulièrement? Hier je lisais un Tweet parlant de SexyCyborg, une jeune « hackeuse » (ou du moins, elle prétend s’y intéresser) chinoise qui a imprimé des chaussures 3D lui permettant de cacher son matériel de hacking. Sur sa page Imgur, elle dit ceci: « So I got to thinking- if I had to do penetration testing on a corporate facility, how would I do it? Social engineering for one- I’m a natural honeypot » (Ma traduction: Je me suis mise à penser: si je dois faire des tests de pénétration dans une entreprise, comment vais-je faire? De l’ingénierie sociale pour commencer – je suis un pot-de-miel [Honeypot] naturel).

Pour bien comprendre, je reprend une photo de cette jeune personne qui n’hésite pas à mettre son physique en avant:

SexyCyborg

Elle ajoute ceci juste après: « I think there’s a reasonable chance that a guy might invite me back to their office after a few drinks in the neighborhood? » (Ma traduction: Je pense qu’il y a une probabilité raisonnable qu’un type m’invite à son bureau après avoir bu quelques verre [avec lui] dans les environs).

Sans juger de l’attirance de son physique ni de ses tenues, la psychologie sociale a plutôt tendance à lui donner raison. Si voulez manipuler quelqu’un, il est préférable d’être séduisant. Et si ce quelqu’un est un homme hétérosexuel (ce qui est souvent le cas dans l’IT), être une jolie femme aide grandement (qui s’en serait douté?). Avoir une poitrine opulente et mise en valeur, encore plus (vraiment?). Quelques minutes de discussions dans une atmosphère intime, un peu d’alcool et un décolleté plongeant pourraient donc bien venir à bout de vos systèmes de protection les plus coûteux.

En plus des sciences psychologiques, l’histoire de l’humanité et particulièrement de l’espionnage, nous rappelle combien la séduction est un outil fort utile et souvent fort efficace, pour obtenir des informations. Mata Hari n’a pas marqué son temps pour rien et plus récemment, l’affaire d’espionnage impliquant Anna Vasil’yevna Chapman, nous a montré que même à notre ère du tout digital, le charme féminin restait une arme de premier choix. Bien sûr, la même chose est vraie pour les hommes qui peuvent aussi utiliser leurs charmes. En hacking comme en espionnage, il n’y a pas plus de sexisme que d’inhibition: tout ce qui fonctionne est bon à prendre. Tout est une question de coût et de rentabilité.

Et si vous pensez que la tâche ne peut être si facile, demandez-vous s’il est vraiment compliqué de trouver une photos d’un des responsables de vos systèmes informatiques sur Linkedin ou n’importe quel autre réseau social. Une fois cela fait, est-il difficile de se poster près de la sortie de vos bureaux et de suivre cette personne, identifiable par sa photo (et éventuellement par son badge que la plupart des gens oublient d’enlever quand ils sortent de l’entreprise), jusqu’à un bar, son train, sa salle de sport, son domicile, ou l’endroit où il rencontre sa maîtresse. D’ailleurs, vu les statistiques dévoilées dans le récent hack du site Ashley Madisson, on ne peux que se demander si l’éventuelle présence d’un membre de votre personnel dans la liste des utilisateurs (vous pouvez vérifier sur Trustify, à vos risques et péril) ne pourrait pas aussi être utilisé comme moyen de chantage pour obtenir des faveurs. D’ailleurs, il n’est probablement même plus nécessaire de suivre vos employés depuis l’entreprise, utiliser les réseaux sociaux est plus rapide et moins dangereux pour les rencontrer et les séduire (et en apprendre plus à leur sujet).

Ce n’est pas sans raison que les personnes qui sont titulaires d’une accréditation sécurité auprès d’un gouvernement sont invités à ne pas le mentionner (histoire de ne pas se mettre une cible sur le dos) et d’éviter d’avoir des affaires extraconjugales pour diminuer son exposition à des tentatives de chantage.

Tout cela amène bien sûr plusieurs questions: La vie amoureuse des employés devient-elle potentiellement un problème de sécurité pour l’entreprise? Et de là, où le droit à la vie privée s’arrête quand cette même vie privée devient une menace claire pour la sécurité de l’entreprise? La proportionnalité de la réponse n’est jamais facile à trouver et la gestion de la sécurité sera toujours bien plus un problème humain qu’un problème technologique, ne pensez-vous pas?

Pour terminer, quelques petites suggestions de lecture (si vous ne les connaissiez pas déjà):

  • « Psychologie de la manipulation et de la soumission » de Nicolas Guéguen (2014)
  • « 100 petites expériences de psychologie de séduction : Pour mieux comprendre tous nos comportements amoureux » de Nicolas Guéguen (2007)
  • « Influence et manipulation : Comprendre et maîtriser les mécanismes et les techniques de persuasion » de Robert Cialdini (2004)