Allo, pourriez-vous m’aider? La phrase qui va ruiner votre sécurité?

Allo, pourriez-vous m’aider? Cette phrase, n’importe quel employé d’une entreprise est susceptible de l’entendre chaque jour. Que ce soit un collègue, un client, un fournisseur qui appelle la comptabilité, le service clientèle, le support IT ou la gestion de l’immeuble, la plupart des collaborateurs d’une entreprise ont pour vocation d’aider d’autres personnes. C’est d’ailleurs de plus en plus souvent une valeur forte des entreprises. Vous avez déjà probablement lu cette phrase : « le service clientèle n’est pas un département, c’est une attitude ». Les entreprises 2.0 mettent leurs clients au centre de leur processus. Aider ses client n’est même plus qu’une tendance naturelle, c’est un objectif d’entreprise, une culture et une obligation. Même si en Europe nous avons parfois encore à apprendre sur ce sujet, de plus en plus d’entreprise améliorent l’attitude de leur personnel envers leur clients, internes ou externes, et les incitent à être plus collaboratif, empathique et aidant. Et c’est tant mieux! C’est finalement l’un des objectif principal d’une organisation: servir ses clients (et générer des bénéfices la plupart du temps)

Malheureusement, ce progrès vient avec un coup important en termes de sécurité. En effet, pour atteindre cet objectif, les employés ont souvent de plus en plus accès aux différentes informations relatives à leurs client afin de pouvoir mieux les servir et de plus, dans la mouvance 2.0, chaque collaborateur est responsabilisé et « empowered » afin de pouvoir atteindre ses objectifs. Et là aussi, l’entreprise y trouve énormément d’avantages en termes de bien-être et d’efficience. Mais là encore, la surface de risque augmente. Chaque employé à potentiellement plus de pouvoirs qu’auparavant, exposant donc à lui tout seul encore plus l’entreprise aux risques que sont les « human hackers »

Dans la petite vidéo ci-dessous, l’émission Real Future à demandé à nos très respectés collègues de www.social-engineer.com, d’effectuer une attaque par vishing (hameçonnage téléphonique en français). Comme vous pourrez le voir, il ne faudra que quelques minutes à Jessica Clarck pour obtenir l’adresse email de Kevin Roose et pour se faire créer un nouveau compte à son nom à elle, lui permettant ainsi d’accéder au compte de Kevin. Facile n’est-ce pas! Ne négligeons pas cependant les petits détails qui font la différence entre l’échec et le succès dans ce genre d’exercice.

Commençons par les plus facile et les plus évident: D’abord, Jessica est une femme. Comme je l’ai déjà écrit dans ce blog, la séduction est une arme souvent fatale mais dans ce cas-ci c’est la vulnérabilité associée aux femmes et la tendance chevaleresque des hommes qui est exploitée. Les cris de bébés dans le fond ajoutent au climat de détresse et permettront aussi probablement à amener le correspondant, homme ou femme, à vouloir encore plus aider notre « Visher ». Les êtres humains ont une réaction quasi instinctive de désir d’aider à l’écoute de cris de bébés. Autres caractéristique, Jessica est charmante, s’excuse de prime abord et met son interlocuteur sous pression en lui expliquant qu’un tiers non-présent, son mari, lui demande de faire quelque chose aujourd’hui même. Elle joue donc sur la réciprocité, la dissolution de responsabilité et sur la pression du temps, d’autres facteurs importants dans les techniques d’influence.

Un autre facteur plus complexe, très important et pourtant peu mis en avant dans cet exercice est le « spoffing » (l’usurpation) du numéro de téléphone. Les opérateurs téléphoniques utilisent fréquemment des systèmes qui affichent automatiquement les informations de leurs clients lorsqu’ils appellent avec le numéro de téléphone que ce même opérateur leur a attribué. Cela met d’office l’opérateur en confiance vu que son système lui dit que la personne qui l’appelle est bien qui elle prétend être. Ce n’est pas une petit élément et il n’est pas facile à obtenir même si ce n’est pas des plus compliqués. En effet, l’usurpation de numéro est une fonction qui existe chez tous les opérateurs et qui permet, par exemple, d’avoir votre propre numéro de GSM qui s’affiche quand vous appelez avec un opérateur VoIP comme Skype.

Notez aussi comment Jessica contourne la proposition de l’opérateur d’envoyer un PIN par SMS. Elle ne peux pas le recevoir en même temps. Avec les cris du bébé, l’opérateur ne va pas lui proposer une alternative et va l’aider directement. Dans la mise en place de contrôle d’identité, comme pour tout contrôle de sécurité en général, la convivialité, la simplicité doivent être pris en compte. L’opérateur aurait du pouvoir poser quelques questions simple à la personne (adresse de résidence, second prénom de son mari, date de naissance) afin d’identifier la personne. Simple mais efficace. Ce n’est pas le contrôle que l’on définirais par défaut mais il ne ferait pas de tort d’avoir la possibilité de le faire si d’autres contrôles s’avère impossible. un autre contrôle aurait pu être de proposer de rappeler la personne afin de s’assurer qu’il n’y a pas eu de spoofing (mais il faut déjà accepter la possibilité que ce soit possible pour penser à mettre de tels contrôles en place).

Bien sûr, comme souvent, la clé reste dans la préparation et dans la formation. Ce genre de vidéos, tout comme celle que nous avons réalisé dans le cadre de l’émission de la RTBF « On n’est pas des pigeons » font partie des moyens didactiques qui permettent d’augmenter la conscientisation et la capacité à identifier les techniques utilisées par les hackers.

Bien sûr des tests « in vivo », annoncés ou non, permettent aussi d’augmenter la vigilance, la reconnaissance et de mesurer l’efficacité des mesures de prévention et des contrôles mis en place. Qu’importe les moyens que vous avez décidé ou que vous déciderez de mettre en oeuvre pour prévenir ce genre d’attaque, qui peuvent coûter des millions d’Euro comme nous l’a malheureusement encore rappelé l’attaque réussie contre Crélan, il est important que ce soit un effort soutenu et régulier. Quand il s’agit d’éducation, la répétition est le maître mot.